 |
D'un point de vue lyrical, Nasir Jones est perçu comme un Dieu vivant, mais il livre constamment un combat mortel avec ses contradictions. Avec la venue des nouveaux courants dans le Hip-Hop, il ne peut désormais que se référer à lui-même. Mais conservera-t-il son titre ?
Le vent souffle sur New York City, et Nas vit à cent à l'heure, à la recherche de son équilibre. Il pose comme Spiderman, poignets bijoutés, alors qu'une brise glacée menace d'envoyer ses 170 pounds sur les toits de Manhattan. Il sourit nerveusement alors qu'un photographe tente d'immortaliser l'icône des MCs. A dire vrai, l'idée d'une séance photos ne l'emballait pas. Et il y a à peine un an, personne n'aurait pu croire que Nas poserait pour The Source. Mais à l'image de Peter Parker, il est conscient que le pouvoir implique des responsabilités. "Je trouvais que les publications sur le Rap ne rendaient vraiment pas justice", s'explique-t-il sur son contentieux de l'an dernier avec ce même magazine. "Mais c'est un fardeau trop lourd à porter, quel intérêt ? Les magazines blâment les artistes et les artistes blâment les magazines. Merde, il faut arrêter de se prendre la tête". C'est avec l'esprit léger donc, que Nas feuillette un exemplaire de Blokhedz, une bande dessinée d'inspiration urbaine dont le héros est un MC aux pouvoirs magiques du nom de Blak. Sur fond de ghetto sordide, ce même héros tient dans une main un micro, dans l'autre un gun, tentant visiblement de faire le bon choix. "Mes lyrics sont à son image", déclare-t-il, peu fier. Le jeune Nas aurait lui-même dessiné ses propres bandes dessinées, d'après un don que sa famille tient depuis deux générations. "Les pyramides, les ghettos, les colombes sur God's Son … à la seconde où je l'ai vu je me suis dit ça c'est moi". Au dos de la bande dessinée, Illmatic et The Lost Tapes sont citées comme références.
Dans la réalité comme dans la fiction, les héros rejettent leur don quand cela implique qu'ils soient propulsés sur le devant de la scène. Ils inspirent, mais refusent d'endosser le rôle de modèle. C'est cette même tendance qui fait que le Hip-Hop et les MCs tels que Nas sont à la fois haïs et adulés. Lorsqu'il donne le meilleur de lui-même, le Hip-Hop est un vecteur incomparable d'influence et de changement. Mais son côté obscur peut plonger une génération entière dans le matérialisme et la misogynie. Et Nas, une des voix les plus retentissantes du milieu, est désormais au centre de tous les regards, pour ses indiscrétions, sur le beat comme dans la vie, puisqu'il nous a révélé que le Hip-Hop pouvait (encore) être grand et téméraire, thème qu'il exploite largement dans son septième album studio, Street's Disciple.
|